Amandine était ostéopathe, elle a eu envie de changer de métier, elle nous raconte comment elle y est parvenu : « Je suis mayennaise d’origine et ce lien au territoire fait partie intégrante de mon projet. Après plusieurs années de travail, j’ai ressenti le besoin de me réorienter. J’ai commencé par faire un bilan personnel : ce que j’aimais, ce que je voulais garder en loisir, la façon dont j’aimais travailler, avec ou sans collègues, en atelier, en déplacement ou à domicile. C’est dans ce cheminement que j’ai découvert la marqueterie. J’ai immédiatement eu un coup de cœur : les matières, la précision du geste, la créativité et la dimension artisanale correspondaient exactement à mes attentes. J’ai rencontré des professionnels, fait un stage, évalué la possibilité d’en faire un métier… et j’ai décidé de me lancer.
Au printemps 2022, j’ai quitté mon activité pour reprendre mes études. En septembre, j’ai intégré un CAP au Lycée Napoléon de L’Aigle (61), dans la classe de Yann Bonnafoux. J’ai eu beaucoup de chance car j’ai été formée par un Meilleur Ouvrier de France, dans un environnement riche en matériaux et en exigences techniques. À l’issue du diplôme, j’étais demandeuse d’emploi et déjà tournée vers la création d’entreprise. C’est à un événement en Mayenne que j’ai rencontré BGE Pays de la Loire. On m’a parlé du parcours entrepreneurial, que j’ai intégré. La formation de six semaines m’a permis de structurer mon projet, d’élaborer un business plan solide et surtout de clarifier ce que je voulais réellement proposer.
La formation BGE a été un moment clé pour valider la cohérence de mon projet et comprendre comment toucher ma future clientèle. Dans l’artisanat d’art, il n’existe pas de modèles standardisés comme dans d’autres secteurs : chaque atelier fonctionne différemment, les marchés sont très variés et les repères chiffrés sont plus difficiles à établir. J’ai donc dû apprendre à identifier mes clients potentiels, à définir un rayon géographique pertinent et à déterminer si c’était à moi d’aller vers eux ou à eux de venir à moi.
En Mayenne, j’ai rapidement constaté qu’il n’existait quasiment pas de marqueterie, ni de bois ni de paille. L’absence de concurrence directe est un avantage, mais elle implique aussi de faire connaître mon métier, souvent méconnu du grand public. Il fallait donc que je crée cette culture, que je montre la matière, les techniques, les possibilités, pour susciter la curiosité.
J’ai aussi travaillé à identifier ma plus-value par rapport aux autres artisans d’art du territoire. Le fait d’intégrer l’économie circulaire, de collaborer avec d’autres professionnels locaux et de construire une démarche cohérente autour du lien humain et de la valorisation du territoire est devenu central. Ce n’était pas une stratégie calculée : c’est réellement ma façon de fonctionner, et cela touche beaucoup de personnes. Cette authenticité est devenue l’une de mes forces, dans un métier où l’histoire derrière l’objet compte autant que l’objet lui-même.
La dynamique collective de la formation chez BGE, les retours des formateurs, des professionnels rencontrés et des autres porteurs de projet ont aussi joué un rôle important. Dans l’artisanat d’art, tout ne peut pas se mesurer uniquement en chiffres : l’enthousiasme des gens face au projet, leur réaction devant les matières et les pièces, sont des indicateurs précieux. Ces retours m’ont rassurée sur l’existence d’un marché potentiel, même dans un domaine atypique comme le mien.
La formation m’a également aidée à structurer ma communication. J’ai lancé mes réseaux sociaux lors d’une collaboration avec une artisane exposant au salon Révélations au Grand Palais. Ce contexte m’a donné une raison forte de créer une présence en ligne et de la partager. Depuis, ma communication évolue et mûrit ; elle demande du temps, mais elle devient progressivement un véritable outil de développement.
Les concours auxquels j’ai participé ont aussi été déterminants. J’ai été sélectionnée pour représenter la Mayenne dans le concours 101 femmes entrepreneures en juin, et j’ai gagné deux trophées H’Up en décembre. Ces concours m’ont forcée à réfléchir et à clarifier mon positionnement, à valoriser mes choix d’entreprise. J’ai ainsi obtenu une forme de légitimité dans un secteur où la reconversion peut parfois être regardée avec scepticisme. Ces distinctions m’ont aidée à montrer que mon projet est solide, structuré et reconnu.
J’ai compris que je voulais un atelier chez moi, mais je ne savais pas encore précisément quelles activités développer. Le parcours m’a aidée à sélectionner mes idées, à trouver un équilibre entre faisabilité, compétences, plaisir et viabilité économique. Il m’a aussi permis de me confronter à des professionnels, de pitcher mon projet et de commencer à créer un réseau. J’ai exploré de nombreux partenariats, parfois trop, mais cela m’a donné une vision claire des possibles et m’a apporté des contacts précieux.
Très vite, j’ai eu envie d’intégrer le territoire dans ma démarche : travailler avec d’autres artisans, créer du lien et rendre la marqueterie accessible. Comme mes pièces finies ne sont pas accessibles à toutes les bourses, j’ai imaginé des ateliers et des cours pour permettre à davantage de personnes de découvrir la matière et le geste. Cette dimension de transmission, de valorisation et de lien est devenue centrale dans mon projet : prendre soin de la matière, des gens, du territoire, et valoriser les capacités de chacun.
J’ai ainsi construit les bases de mon entreprise en trouvant ma place dans un écosystème local, en m’appuyant sur le réseau, et en posant les premiers jalons d’une activité à la fois créative, mobile et profondément ancrée en Mayenne.
Aujourd’hui, je sens que j’entre dans une nouvelle phase : mes ateliers et mes cours fonctionnent, de nouveaux projets créatifs se développent, je suis présente dans deux boutiques dont une à Laval, cela ouvre des perspectives pour la vente de pièces de marqueterie. Je souhaite également lancer de la médiation culturelle, un axe qui me tient à cœur, même s’il demande du temps de préparation.
D’autres pistes, comme la collaboration avec des architectes d’intérieur pour des projets en marqueterie de paille, restent en suspens pour l’instant. Je n’exclus pas d’y revenir plus tard, au gré des opportunités. Et un rêve m’accompagne : candidater un jour au concours de Meilleur Ouvrier de France, en marqueterie de bois ou de paille. C’est un objectif à long terme, mais il nourrit mon envie de progresser encore. »