Talent BGE 2025 pour la région Bourgogne-Franche-Comté
Boulangerie inclusive, solidaire et éthique. La B.I.S.E. propose à Autun des produits en circuit court préparés et servis par des personnes en situation de handicap.
            
                      Yannick Bouthière, en plus d’être maire du village de La Tagnière, est créateur d’entreprise. Il nous raconte : « Je suis éducateur technique spécialisé de formation et j’ai travaillé pendant vingt-sept ans dans un ESAT auprès de personnes en situation de handicap. Mon rôle consistait à les former à un métier, mais au fil du temps j’ai constaté un manque évident sur notre territoire : il n’existait aucune structure intermédiaire entre le milieu protégé des ESAT et l’emploi ordinaire. Pourtant, il suffit parfois d’un simple accompagnement pour qu’une personne franchisse ce pas. Dans la Communauté de communes du Grand Haut-Morvan, qui regroupe 55 communes et environ 35 000 habitants, on compte près de 300 demandeurs d’emploi en situation de handicap, sans aucune entreprise adaptée pour les accueillir. C’était un besoin criant.
Restait à trouver un support d’activité. La sous-traitance industrielle, autrefois courante dans la région, est en déclin et ne représentait plus une piste viable. Je cherchais donc une idée qui ait du sens. Avec mon épouse, nous avions fabriqué un four à pain pour notre loisir il y a une quinzaine d’années, et je me suis souvenu du plaisir de « mettre la main à la pâte ». Le pain est un formidable support d’apprentissage : il allie gestes techniques, contact direct avec la matière, et porte en lui des valeurs de partage et de convivialité. L’idée d’ouvrir une boulangerie inclusive a commencé à germer.
Pour concrétiser ce projet, j’ai suivi en 2021-2022 une formation de boulanger à Chalon-sur-Saône. En parallèle, j’ai été accompagné par BGE Côte d’Or – Saône et Loire – Ain pour l’étude de marché, la définition des valeurs du projet et la construction du prévisionnel. Trouver un local adapté a été l’étape la plus longue : j’avais des critères précis, l’implantation étant déterminante pour la réussite d’un commerce. Après plusieurs pistes abandonnées pour des raisons techniques ou architecturales, j’ai enfin trouvé l’emplacement idéal courant 2023. Le local a été libéré en octobre 2024.
            
                      En 2024, je me suis consacré à la recherche de financements, aux demandes d’agrément pour devenir entreprise adaptée auprès de la DREETS et à la création juridique de l’entreprise. J’ai quitté mon emploi en septembre 2024 pour suivre les travaux et préparer l’ouverture, prévue pour le 19 août 2025. Les prêts bancaires ont été la plus grande source de stress, non pas à cause d’un refus des banques mais à cause des garanties complexes à mettre en place.
La boulangerie porte le nom « La BISE » : Boulangerie Inclusive, Solidaire et Éthique. Ce sigle s’accorde parfaitement avec une variété de farine que nous utiliserons, ce qui renforce le sens du nom. L’entreprise emploie au moins 60 % de salariés en situation de handicap, au-delà du minimum légal de 6 %. L’équipe est composée de trois encadrants : moi-même, un maître-boulanger et une personne chargée de l’accompagnement social et de la commercialisation. Cinq salariés en situation de handicap sont déjà prévus : deux à la production et trois à la vente. Leur statut sera celui de salariés ordinaires, mais avec un accompagnement social et professionnel individualisé (logement, mobilité, formation). L’objectif est de leur permettre, s’ils le souhaitent, de rejoindre ensuite le milieu ordinaire grâce à des stages, des mises à disposition ou des validations de compétences (VAE).
Nous avons choisi de travailler exclusivement en bio pour le pain et les viennoiseries, en circuit de proximité. Les céréales proviennent de producteurs situés à seulement trois kilomètres. Les légumes destinés à la petite restauration boulangère viennent d’une entreprise d’insertion d’Autun. Nous avons adopté la méthode de panification « Respectus Panis », qui privilégie une fermentation lente d’environ 24 heures. Cette technique réduit l’indice glycémique du pain, améliore ses qualités nutritionnelles et permet un meilleur respect des rythmes de travail. Les boulangers commencent leur journée à 5 h au lieu de 2 h du matin, dans un laboratoire à température constante de 20 °C, pour un meilleur confort de vie. La méthode est également économe en énergie : le pétrissage ne dure que trois minutes au lieu de quinze à vingt, et il n’y a pas besoin de chambre de pousse.
            
                      La sobriété énergétique guide toutes nos pratiques : par exemple, la livraison des légumes se fait en vélo-cargo par l’entreprise d’insertion, qui assure au passage la distribution de certains produits pour éviter les retours à vide. Cette démarche s’inscrit dans le projet alimentaire territorial porté par la Communauté de communes. Nos clients incluent la cuisine centrale qui fournit les repas scolaires, des centres de loisirs, des restaurants voisins et d’autres commerces de centre-ville.
La BISE est organisée en trois espaces :
Chaque mois, un café différent sera mis à l’honneur avec une présentation de ses caractéristiques. Nous collaborons aussi avec la librairie voisine pour créer des animations communes autour des livres et des jeux de société, afin de faire de la boulangerie un véritable lieu de lien social.
Le projet s’inscrit dans une dynamique plus large d’inclusion et de solidarité. Je participe au comité de pilotage d’une expérimentation de « sécurité sociale alimentaire », inspirée du modèle de la Sécurité sociale. Des sociétaires volontaires cotisent selon leurs moyens ; les fonds sont redistribués équitablement et permettent d’acheter auprès de producteurs et transformateurs locaux à des prix justes. La BISE fait bien entendu partie de ce réseau.
            
                      En tant qu’entreprise adaptée, nous signerons une convention avec la DREETS. En échange d’aides au poste, nous devons assurer un accompagnement social et professionnel, avec pour objectif que l’emploi à la BISE soit une étape vers le milieu ordinaire. Des formations seront organisées avec le centre de formation des apprentis de Mercurey pour renforcer les compétences et, si possible, déboucher sur des certifications en boulangerie ou en vente.
Le choix de la boulangerie n’est pas anodin. C’est un métier porteur d’emplois, qui ouvre des perspectives variées : un vendeur formé à la relation client et à l’encaissement peut ensuite évoluer dans d’autres secteurs du commerce. Mon expérience d’éducateur technique spécialisé et d’élu local m’a appris à monter des projets, à accompagner les personnes dans leur parcours et à créer des passerelles vers l’emploi ordinaire. La BISE est la synthèse de ces compétences et de ces valeurs : un lieu de production, de formation et de partage, au service d’un territoire et de ses habitants. »