Talent BGE 2025 pour les Outre-mer
Léo Mode propose la vente de tissus artisanaux fabriqués par des artisanes africaines et Léo Events de la photographie et de la vidéo professionnelle
Léonelle nous raconte : « J’ai lancé une activité entrepreneuriale qui s’appelle Léo. En mahorais, ça signifie « aujourd’hui », et c’est aussi un petit surnom qu’on me donne souvent. J’ai trouvé ce nom intéressant car il reflète à la fois l’instant présent, l’événementiel et la mode, avec une touche d’intemporalité et d’authenticité. Léo regroupe deux activités : Léo Mode et Léo Events.
Avant Léo, j’avais participé à une première expérience entrepreneuriale, avec ma sœur et d’autres associées. Chacune avait ses compétences : gestion administrative, communication, carnet d’adresses. Je n’avais pas encore de compétences spécifiques à l’époque mais je les ai développées en portant l’activité au quotidien. J’ai compris que seule, j’étais plus autonome et que j’avais les capacités d’avancer pour lancer mon propre projet.
Léo Mode est né en premier. D’origine centrafricaine et mahoraise/malgache, j’habite à Mayotte depuis 2017. En arrivant ici, j’ai pris conscience des difficultés liées à l’offre vestimentaire, surtout pour des femmes comme moi qui portent des grandes tailles. Je me suis vite tournée vers les petites merceries et les couturiers locaux. Puis, je me suis dit que je pouvais profiter du fait que mon père soit muté au Mali, à Bamako, pour me lancer dans le commerce de tissus africains authentiques, fabriqués artisanalement par des femmes dans les villages. À Mayotte, ces tissus rencontrent un vrai succès et permettent aussi de soutenir l’économie locale, car une fois achetés, ce sont les ateliers de couture mahorais qui confectionnent les vêtements. J’ai voulu proposer des produits artisanaux, loin des circuits industriels classiques, et valoriser ce savoir-faire féminin tout en créant un circuit court.
Mon premier test a été concluant : une cinquantaine de tissus vendus en deux semaines, uniquement à mon cercle proche. Ça m’a prouvé qu’il y avait une vraie demande. Ce projet me permet de défendre des valeurs qui me tiennent à cœur : l’authenticité, la qualité, et le soutien aux petites économies, ici et en Afrique.
Léo Events est venu ensuite. J’ai rencontré mon partenaire lors de la première séance photo pour LEO Mode. Son talent, sa créativité et son professionnalisme ont su me convaincre. Il est photographe et vidéaste, et nos univers se sont naturellement rejoints. Moi, j’aime l’image, l’événementiel et la communication, même si je suis autodidacte. Grâce à Léo Events, je développe des prestations autour de l’image, notamment pour des collectivités, des associations ou des particuliers. C’est aussi un moyen de créer un pont entre mes origines africaines et mahoraises, honorer mon identité multiculturelle.
J’ai aussi eu le soutien d’acteurs comme BGE Mayotte à travers mon association Makazi Yangou, qui signifie « mon chez-moi » en mahorais. On œuvre pour un habitat digne et durable, en accompagnant les personnes âgées, handicapées, et en formant des artisans locaux, entre autres. On a été lauréats du prix Coup de Cœur ESS du concours Startuppers Challenge Total Énergies en 2024 avec le projet de constitution de société Makazi Énergies (les énergies de ma maison) en faveur des énergies durables et abordables . Ça a renforcé ma confiance et m’a permis d’avancer aussi sur Léo. J’ai été accompagnée par BGE via le DLA pour la structuration associative et la communication. Ce soutien m’a encouragée.
Mon business plan, je l’ai d’abord fait pour des demandes de subventions, notamment auprès du Conseil Départemental dans le cadre de l’aide aux femmes et à l’investissement. Mon étude de marché, je l’ai construite en testant mes produits, et les résultats ont été immédiats.
Être soutenue par un incubateur ou une banque m’a aussi beaucoup motivée. Ma banque m’a suivie, notamment parce qu’ils ont remarqué ma notoriété à travers mes actions et ma communication. Ce soutien féminin, je le trouve rare et précieux. Ma conseillère m’a même enjointe à ne plus jamais sous-estimer mon travail. Je dois vraiment donner la valeur qu’elle mérite à mon activité.
Ma stratégie s’appuie aussi beaucoup sur le réseau féminin. Je suis engagée dans la Plateforme des Femmes Entrepreneures de Mayotte. Je crois au partenariat et à la solidarité entre femmes. Par exemple, j’ai accompagné une entrepreneure locale, traiteur, en lui offrant un personal branding à travers des photos et des événements. Elle est devenue modèle pour Léo. Cette collaboration spontanée a permis à chacune de gagner en visibilité.
J’ai aussi été lauréate du concours Femme Entrepreneuse d’Orange saison 7, pour un projet de plateforme valorisant les initiatives féminines locales, qu’elles soient artisanales, entrepreneuriales ou associatives. C’est important de montrer que Mayotte ne se résume pas à ses problématiques migratoires, mais qu’il existe ici des femmes qui innovent et entreprennent. À terme, j’aimerais que le Conseil Départemental s’implique davantage pour valoriser ces femmes discrètes mais talentueuses, souvent dans des secteurs sous-estimés comme l’agriculture ou l’artisanat. Je veux que Léo Events devienne un outil pour mettre en lumière celles qui entreprennent et continuent à entreprendre suite au cyclone Chido notamment. Valoriser leur aptitude à la combattivité et l’adaptabilité qui sont selon moi les nerfs de la guerre de l’entreprenariat.
Pour Léo Mode, ma cible reste les femmes qui ont les moyens de s’offrir ces tissus de qualité. Ce sont souvent des femmes influentes, entrepreneures, ou engagées dans la vie de l’île, sans oublier la gent masculine ! Cette clientèle me permet aussi de garder un positionnement clair et valorisant. Les tissus coûtent cher à l’achat, et le transport depuis l’Afrique rajoute des frais importants. Il faut donc rentabiliser pour que mes clients découvrent ou reconnaissent mes propositions de valeur.
Ce qui me donne le plus de satisfaction aujourd’hui, c’est de voir des gens porter mes tissus dans la rue. C’est incroyable. Et, au-delà du produit, c’est le lien humain qui me touche le plus. Par exemple, dans le cadre d’un mariage traditionnel, j’ai livré une vidéo de la remise des cadeaux à une personne âgée que j’avais rencontrée à l’occasion. Normalement, en tant que prestataire, je remets la vidéo et je repars. Mais cette fois, elle m’attendait avec un repas et m’a proposé de visionner la vidéo avec elle ! J’ai accepté, et c’est ça que j’aime : ce contact humain, cette confiance, ce moment partagé. C’est une vraie satisfaction de voir qu’un client est si touché qu’il a envie de revivre ce moment avec vous. »