Talent BGE 2025 pour la région Occitanie
Redistribution des invendus de boulangerie et lutte contre le gaspillage alimentaire
Guillaume nous parle de son parcours : « Je suis ingénieur en sciences de l’environnement, spécialisé en génie de l’eau. Pendant plusieurs années, j’ai mené des recherches sur la qualité de l’eau potable dans les pays du Sud, notamment dans le cadre de missions de terrain pour l’Université de Zurich. J’ai beaucoup travaillé en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, ce qui a été une expérience très enrichissante, autant sur le plan professionnel que personnel. Ces missions mêlaient analyses scientifiques et partenariats étroits avec les acteurs locaux.
Parallèlement, durant mon temps libre en Suisse, j’ai commencé à pratiquer la récupération alimentaire. Je collectais les invendus dans les poubelles des grandes surfaces, et je me suis vite rendu compte que beaucoup de ces produits étaient encore parfaitement consommables, souvent de bonne qualité, parfois même bio. Grâce à cela, je pouvais subvenir aux besoins alimentaires de ma colocation, et j’ai pris conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire en Suisse, encore plus important que ce que j’avais pu observer en France.
Progressivement, je me suis renseigné sur cette problématique et j’ai voulu agir concrètement. C’était aussi une période de transition dans ma vie : je souhaitais rentrer en France, limiter mes déplacements en avion et m’investir dans un projet à impact local. En m’inspirant d’une initiative suisse où une chaîne de boulangeries revendait ses invendus à prix réduits le lendemain, j’ai envisagé de lancer un concept similaire en France. Cependant, en étudiant la faisabilité, j’ai constaté que cela nécessitait une logistique lourde (local, personnel de vente, etc.). Après avoir échangé avec plusieurs acteurs de la lutte contre le gaspillage alimentaire, j’ai réorienté mon projet vers un modèle plus simple et efficace : la collecte des invendus pour les redistribuer directement aux associations.
J’ai donc créé un service clé en main à Montpellier, où je travaille avec des boulangeries artisanales, souvent spécialisées dans le pain au levain ou bio, ce qui permet de proposer des produits de qualité et avec une meilleure conservation. Je collecte leurs invendus et les livre à des associations caritatives, notamment des associations étudiantes, en utilisant des vélos cargos. Ce choix est cohérent avec les valeurs écologiques du projet, permet une logistique légère et efficace, et facilite les déplacements en centre-ville.
Mon service répond aussi à une vraie difficulté : les associations manquent souvent de bénévoles et de moyens logistiques pour organiser ces collectes elles-mêmes. En apportant une solution fiable, adaptée aux besoins spécifiques de chaque association, je comble ce chaînon manquant entre commerçants et associations.
Les boulangeries paient un service proportionnel à la quantité donnée, ce qui leur permet de bénéficier de réductions fiscales sur les dons. Au final, même en tenant compte de mes frais, elles réalisent un gain financier en plus de la satisfaction de ne pas jeter le fruit de leur travail. Les associations, quant à elles, participent avec une petite contribution mensuelle, conscientes de la qualité des produits qu’elles reçoivent grâce à ce système.
Ce modèle, que je développe en tant qu’entreprise individuelle avec quelques partenaires logistiques, est gagnant-gagnant : il lutte contre le gaspillage alimentaire, apporte des produits de qualité aux associations et offre un service simple et efficace aux commerçants.
J’ai découvert BGE lors de la première ou deuxième année où je réfléchissais à mon projet. À l’époque, j’étais installé à Clermont-Ferrand et c’est là que mon accompagnement a commencé avec BGE AURA, puis, après avoir déménagé et implanté mon activité à Montpellier, j’ai poursuivi l’accompagnement avec un conseiller dédié avec BGE Sud-Ouest.
Les outils développés par BGE m’ont beaucoup aidé, notamment pour construire mon business plan, même si au début, je l’avais vu à la baisse par précaution. Finalement, j’ai dépassé mes propres prévisions, ce qui est très encourageant. Les échanges avec mon conseiller ont toujours été précieux. Même s’ils sont assez espacés, ils sont très denses et permettent de prendre du recul. À chaque rendez-vous, j’en ressors avec des pistes concrètes et des conseils pertinents auxquels je n’avais pas forcément pensé.
Un des aspects les plus compliqués au démarrage a été de choisir le bon statut juridique. J’hésitais longuement entre une association ou une entreprise, et ce choix m’a pris beaucoup de temps, d’autant que je suis perfectionniste. Finalement, j’ai opté pour une entreprise individuelle pour tester mon modèle de façon simple. J’ai d’ailleurs attendu plusieurs mois avant de créer officiellement mon statut, alors que j’avais déjà besoin de facturer.
En France, l’anti-gaspillage est un secteur très développé avec de nombreux acteurs, ce qui crée une forte concurrence, y compris avec des applications anti-gaspi et des associations. Mais malgré la concurrence, il existe un vrai esprit d’entraide entre les différents projets. J’ai contacté personnellement plusieurs acteurs du secteur, avec qui j’ai noué des relations de confiance et des échanges de bonnes pratiques. Bien sûr, parfois on se dispute les mêmes marchés, mais au final, l’objectif commun est de réduire le gaspillage alimentaire, donc chaque victoire profite à la cause.
Il existe aussi une complémentarité entre les différentes solutions anti-gaspillage : certaines structures ciblent le grand public avec des paniers anti-gaspi, alors que mon offre vise surtout les associations étudiantes et caritatives.
Mon principal défi est de bien valoriser mon service auprès des commerçants. Certains sont surpris que ce soit un service payant, mais je leur explique les bénéfices : la réduction d’impôt, la valorisation de leur image, la simplicité d’organisation et la garantie que leurs invendus seront redistribués de façon fiable et efficace. J’ai aussi conçu un macaron « anti-gaspillage » à apposer en vitrine pour renforcer leur communication positive.
Mon premier client a été la première boulangerie que j’ai démarchée. C’était un artisan engagé socialement, ce qui a facilité la mise en place. Aujourd’hui encore, c’est un partenaire fidèle. J’acquiers de nouveaux clients principalement par prospection directe, en allant échanger sur place avec les boulangers pour comprendre leurs pratiques et proposer des solutions adaptées.
La communication n’est pas mon point fort. Je me suis un peu investi sur LinkedIn, mais je reste prudent vis-à-vis des réseaux sociaux de manière générale, souhaitant conserver une présence mesurée, compatible avec mes valeurs et mes ressources.
Au début, je n’avais pas l’ambition de me développer à l’échelle nationale. Mais vu l’engouement local je réfléchis à créer un réseau de collecte pour les boulangeries partout en France d’ici cinq ou dix ans. Ce qui me manque pour y arriver, c’est un vrai outil digital pour automatiser les collectes, faciliter la gestion pour les livreurs et pour les associations. J’ai commencé à faire développer cet outil, sous forme d’appli. C’est un vrai besoin pour pouvoir me développer, mais il faut aussi que je mette en place la bonne structure et que je réfléchisse à comment m’entourer, trouver des personnes pour m’aider à gérer tout ça. Je ne suis pas sûr d’avoir encore les revenus suffisants pour ça, mais c’est une étape importante. Il y a aussi la question de la structure juridique qui devra être adaptée à la croissance.
Il faudrait également que je travaille sur un meilleur process pour aller chercher de nouveaux clients, notamment les boulangeries plus grosses qui ont plusieurs boutiques. C’est plus difficile de les atteindre, souvent les dirigeants sont inaccessibles. Je pense aussi aux chaînes de boulangeries, pas forcément nationales tout de suite, mais des chaînes régionales avec quelques boutiques.
Je pense que je peux encore progresser sur la dimension innovante. C’est une question qu’on me pose souvent : c’est quoi l’innovation que vous apportez ? Pour moi, c’est surtout le fait que je sois la première structure qui se concentre vraiment sur les invendus des artisans et pas sur ceux des grandes surfaces. Je privilégie la qualité des produits, avec une vraie attention à la bonne alimentation et à l’accès pour tous, même les personnes en situation précaire. Je travaille avec des boulangeries artisanales qui font un pain de très grande qualité, et je propose une collecte adaptée, en vélo cargo, avec une relation humaine directe entre le livreur et le boulanger, ce que les applis purement digitales n’ont pas.
J’ai aussi commencé à proposer le service à d’autres types de clients, comme les organisateurs d’événements ou les traiteurs. C’est plus long à mettre en place, mais j’ai déjà pu intervenir sur quelques gros événements. Il y a aussi les épiceries qui vendent du pain ou des fruits et légumes, et les boulangeries industrielles qui génèrent des quantités énormes de gaspillage. Même si ça colle moins avec mes valeurs de qualité, je me dis que ça reste utile d’éviter que des tonnes de pain partent à la poubelle. Malgré ça, je pense que je vais continuer à me concentrer principalement sur les boulangers pour être bien identifié dans ce secteur et aller plus vite dans mon développement. Le pain, c’est un produit universel qui parle à tout le monde et qui est consommé tous les jours.
Un autre axe que j’aimerais développer, c’est l’insertion professionnelle. J’aimerais que des personnes en situation de handicap puissent aussi participer aux collectes ou travailler avec nous. J’ai déjà commencé à sous-traiter des livraisons à une association à but d’emploi qui aide des personnes éloignées du travail, et je trouve ça super de créer cette boucle vertueuse. C’est une vraie motivation pour moi.
Ce qui me donne le plus de satisfaction aujourd’hui, c’est de voir le sens concret de ce que je fais, de continuer à effectuer les livraisons moi-même et de voir l’impact direct auprès des personnes aidées. Quand je récupère des invendus de qualité, que je peux les redistribuer et que les gens sont contents, ça me rappelle pourquoi je fais ça. C’est ça qui me pousse à continuer, même quand c’est difficile. »