Talent BGE 2025 pour la région Hauts-de-France
Maison Bettens est une entreprise artisanale, située à Armentières, spécialisée en sellerie, gainage de mobilier et tapisserie d’ameublement.
Grégoire nous confie : « Mon parcours est assez particulier et s’est construit par étapes successives, parfois par choix et parfois par nécessité. J’ai obtenu un bac ES, à une époque où cette filière existait encore, et je suis ensuite parti en BTS informatique. Très vite, je me suis rendu compte que passer mes journées derrière un écran ne me convenait pas. Plus je programmais, plus je ressentais le besoin de faire quelque chose de concret, de manuel. Finalement, je n’ai pas validé ce BTS, mais ces deux années m’ont servi à réfléchir et à chercher ce qui pouvait vraiment me plaire. À ce moment-là, je ne savais pas encore quel métier exercer plus tard. J’avais choisi le bac ES car il offrait des débouchés larges, sans réelle vocation précise derrière.
Passionné depuis longtemps par l’automobile, les motos, la vitesse et le sport mécanique, j’ai découvert l’école Espera Sbarro de Montbéliard, une école fondée par le designer italien Franco Sbarro. Elle formait au prototypage et au design automobile. J’ai suivi cette formation avec enthousiasme, et c’était une école très axée sur la pratique : nous réalisions de vrais prototypes roulants, ce qui est rare dans ce domaine. Malheureusement, cette période a coïncidé avec la crise du Covid. L’école a été mise à l’arrêt pendant six mois, ce qui a ralenti mon parcours. J’ai malgré tout terminé ma formation avec de bons résultats. Après cela, j’ai postulé dans plusieurs écuries automobiles, chez des constructeurs prestigieux comme BMW Motorsport ou dans des structures au Mans, mais le Covid avait figé tout recrutement.
Je ne voulais pas rester sans activité ni dépendre de mes parents, mais je n’avais pas droit au chômage car je n’avais jamais vraiment travaillé. France Travail (anciennement Pôle Emploi) m’a orienté vers une nouvelle formation. Comme je savais concevoir l’extérieur et l’intérieur d’une voiture, le châssis ou le moteur, mais pas la sellerie ni le garnissage, j’ai choisi un CAP de sellerie-garnissage automobile à Soissons. Il était classé comme une reconversion professionnelle, même si, à 21 ans, je n’aimais pas beaucoup ce terme. Pour moi, ce n’était pas une reconversion mais une manière de compléter mes compétences. Cette formation était essentiellement pratique, sur huit mois. J’en suis sorti parmi les premiers.
Une fois ce CAP obtenu, il fallait trouver du travail. J’ai continué à postuler dans le domaine automobile, mais l’incertitude pesait encore avec les vagues de Covid. C’est alors qu’un ancien camarade m’a contacté. Il venait d’intégrer une entreprise chargée de créer un atelier de sellerie pour une marque française de très grand luxe, dans la région lilloise, et il cherchait quelqu’un pour l’accompagner. D’abord hésitant, j’ai finalement accepté. Nous avons monté ensemble l’atelier, installé les machines, choisi les fournisseurs et commencé à recruter. Rapidement, il m’a annoncé qu’il partait chez une autre grande marque, me laissant les rênes du projet. J’ai donc géré seul l’atelier, validé les prototypes nécessaires pour obtenir l’accréditation de la maison de luxe, et en janvier, nous avons officiellement pu produire pour la maison. C’était une grande fierté d’avoir mené ce projet jusqu’à l’accréditation.
J’ai ensuite travaillé deux ans dans cette entreprise. Une fois la phase de création passée, je suis entré dans une logique de production répétitive, et je commençais à m’ennuyer car il n’y avait plus de place pour l’innovation. J’ai alors demandé une rupture conventionnelle, préparée à l’avance, pour partir en bons termes. Mon idée était de racheter une tapisserie dans la région lilloise. J’avais préparé tout le business plan avec l’aide de BGE Hauts de France et d’autres organismes. Faute d’avoir trouvé un accord sur le rachat de celle-ci, je n’ai pas pu poursuivre. Cette déception m’a vraiment affecté.
C’est à ce moment que le conseiller de BGE Hauts-de-France m’a suggéré de créer directement ma propre entreprise, puisque tout le projet était déjà structuré. Je n’y avais pas pensé car je cherchais la sécurité d’une reprise, mais cette idée m’a fait réfléchir et m’a aidé à franchir le pas. Après plusieurs retards administratifs et financiers, j’ai finalement créé en novembre 2024 Maison Bettens, une entreprise spécialisée dans la sellerie, la tapisserie et le gainage d’ameublement, basée dans un atelier de la ruche d’entreprises d’Armentières. Cette solution m’a permis de bénéficier de loyers abordables et d’un accompagnement, après avoir passé un comité de sélection comme pour mes démarches précédentes.
Au départ, mes premiers clients venaient surtout du cercle proche, famille et amis. Le réseau de mes parents m’a également beaucoup aidé à me faire connaître à mes débuts. Petit à petit, le bouche-à-oreille a fonctionné, puis j’ai compris l’importance de développer d’autres réseaux. J’ai intégré des groupes d’entrepreneurs, participé à des repas et petits-déjeuners professionnels, et investi dans une communication solide avec l’aide d’une agence de communication. Cela m’a coûté cher, mais les résultats ont été au rendez-vous avec un site internet, un logo et des supports adaptés.
J’ai aussi appris que la protection juridique était essentielle. Un litige avec une cliente, mécontente de la couleur qu’elle avait elle-même choisie, m’a poussé à faire rédiger des conditions générales de vente solides, ce qui représente un investissement mais protège désormais mon activité.
Aujourd’hui, Maison Bettens continue de se développer. Depuis le 1er avril 2025, j’accueille une alternante, et potentiellement une autre à partir de janvier 2026. Ce qui me permet de transmettre et d’agrandir l’équipe. Ce qui me satisfait le plus dans mon métier d’entrepreneur, c’est la reconnaissance des clients. Quand un client me dit qu’il est heureux du produit, qu’il en reconnaît la qualité et le soin, c’est la plus grande des récompenses. Le travail est intense, l’amplitude horaire est grande, mais cette satisfaction compense largement les efforts.
Avec du recul, je mesure le chemin parcouru. Mon parcours a été fait de détours, de formations, d’expériences parfois interrompues, mais chacune m’a apporté quelque chose. Aujourd’hui, je me sens enfin à ma place, dans un métier où je peux allier passion, savoir-faire manuel et relation directe avec mes clients. »