Christine nous parle de sa reconversion : « Je suis ingénieure en bâtiment, diplômée du CNAM. J’ai exercé toute ma carrière dans l’expertise et la gestion technique du bâtiment avant d’intégrer l’OPAC de Saône-et-Loire, où j’ai travaillé dix-sept ans comme responsable du service technique. Je dirigeais une équipe d’une vingtaine de personnes et gérais treize mille logements répartis sur trois agences.
J’aimais la diversité de ce métier et la satisfaction de résoudre des problèmes concrets, mais au fil des ans, la charge de travail s’est intensifiée. Les responsabilités se sont accumulées, la pression aussi. J’ai fini par m’épuiser. En novembre 2021, j’ai dû m’arrêter, et je n’ai jamais repris. Après deux opérations des cervicales et une longue convalescence, j’ai compris qu’il me fallait redonner du sens à mon parcours, retrouver un équilibre entre exigence, création et respect de mes limites physiques.
J’ai d’abord envisagé une reconversion dans l’illustration ou la bande dessinée, mais j’ai vite réalisé que je ne pourrais pas rester assise des journées entières. J’ai ensuite exploré la restauration d’œuvres d’art, avant de découvrir, presque par hasard, le métier de peintre en décor. Ce fut une révélation : peindre des effets de matière, du faux marbre, du faux bois, des fresques, de la dorure, mêler art et artisanat, gestes et textures — tout ce que je cherchais.
J’ai monté un dossier de reconversion avec Transition Pro, aidée par mon conjoint et BGE Côte-d’Or, Saône-et-Loire, Ain. Ma conseillère -formatrice a été formidable ! Elle m’a donné beaucoup de bons conseils et m’a épaulée pour la partie administrative. Mon projet a été validé à l’été 2022, et j’ai intégré la formation de peintre en décor en octobre. Neuf mois plus tard, j’ai obtenu mon diplôme, major de promotion, avec un prix d’excellence.
À la fin de la formation, mon employeur a refusé ma demande de départ. Après plusieurs démarches infructueuses, j’ai finalement démissionné en août 2023, sans garantie mais avec conviction. J’ai ensuite travaillé six mois chez Arcams, une entreprise de restauration du patrimoine à Autun. J’y ai participé à la rénovation de sites emblématiques comme l’abbaye de Cluny et plusieurs églises du Morvan. Ces expériences m’ont confortée dans mon choix : je retrouvais le plaisir du travail manuel et la fierté du savoir-faire.
En mai 2024, j’ai créé mon entreprise, Atelier 2082. Depuis, je réalise des chantiers variés : fresques murales, décors au sol, restauration de cuisines anciennes, d’objets religieux, ou encore création de papiers peints haut de gamme. Je travaille pour des particuliers comme pour des collectivités.
J’ai participé à plusieurs concours au moment du lancement et obtenu plusieurs distinctions : troisième prix au concours Initiative au Féminin, prix régional de la reconversion professionnelle de Transition Pro, et représentation de la Saône-et-Loire dans le programme « 101 Femmes Entrepreneures ».
Mon parcours a aussi été marqué par des défis de santé. Malgré mes opérations, je souffre encore de douleurs cervicales et de fibromyalgie. Pour exercer mon métier dans de bonnes conditions, je me suis équipée d’un exosquelette financé par l’Agefiph, qui soutient mes bras et ma nuque. Cet outil me permet de continuer à travailler avec autonomie et confort.
En parallèle, l’École française de décor m’a proposé un poste de coordinatrice de formation sur son site d’Annecy. Cette mission à temps partiel me permet d’accompagner la nouvelle promotion tout en poursuivant mes projets artistiques, dans un équilibre entre transmission et création.
Je continue à me former régulièrement : j’ai suivi des spécialisations en dorure à la feuille d’or et en peinture en lettres, un savoir-faire ancien que je remets en pratique dans mes réalisations. En janvier prochain, je peindrai une enseigne à la main pour un restaurant du Sud.
Mon activité repose aujourd’hui sur deux axes : la restauration du patrimoine, portée par un réel engouement pour les savoir-faire anciens, et la création décorative, encore à faire connaître. Beaucoup ignorent qu’il est possible de personnaliser un intérieur avec des matériaux naturels et des techniques traditionnelles plutôt qu’avec des produits industriels.
Je fabrique souvent mes propres peintures à base d’ingrédients naturels – bière, œuf, miel, fromage blanc – selon des recettes anciennes retrouvées dans les archives de la Bibliothèque nationale. Ces peintures écologiques offrent des rendus profonds, durables et sans odeur.
Ce que j’aime le plus, c’est la réaction des gens devant mon travail : leur étonnement en découvrant la matière, leur émotion devant un décor terminé, et la curiosité des enfants lors de mes ateliers. C’est cette part de transmission, de beauté du geste et de lien humain qui donne tout son sens à ma nouvelle vie professionnelle. »