Se reconvertir vers un nouveau métier
Aurélie avait besoin de changer de vie, elle nous raconte : « Après plus de dix ans en restauration, principalement en cuisine, j’ai ressenti le besoin d’un changement professionnel. Malgré mon investissement, mes efforts n’étaient pas reconnus et l’évolution restait difficile, d’autant plus en conciliant vie familiale et contraintes du métier. La période du COVID m’a permis de réfléchir à mon avenir et de considérer une reconversion. Souhaitant rester dans un métier manuel et créatif tout en répondant à un besoin réel, j’ai exploré différentes pistes. La couture s’est imposée progressivement, contre toute attente. Je m’y suis découvert beaucoup de patience au fur et à mesure que mon intérêt grandissait. J’ai alors suivi des remises à niveau et des formations (Greta, Hashtag Avenir), ainsi que plusieurs stages pour confirmer mon choix. Cette expérience m’a amenée à envisager la création de ma propre activité, plutôt qu’un travail à la chaîne ou en usine, afin de développer un projet qui a du sens et dans lequel je peux réellement m’investir.
Au fil de mes démarches, j’ai affiné mon projet et obtenu mon CAP couture. Ce parcours, qui s’est étalé sur cinq ans, m’a également permis de passer mon code et mon permis grâce au soutien de France Travail. Ces étapes m’ont aidée à franchir des obstacles qui me semblaient auparavant presque insurmontables.
Faire ses premières expériences
Parallèlement, j’ai pris le temps de réfléchir à la forme que devait prendre mon activité. J’ai pensé à ouvrir une boutique. Cependant, cette option ne répondait pas suffisamment aux besoins de tous, notamment des personnes âgées ou des familles ayant peu de disponibilité. Mes expériences professionnelles m’ont montré que beaucoup ne peuvent pas se déplacer. J’ai donc envisagé un service à domicile, non pas pour coudre chez le particulier, mais pour récupérer et livrer les travaux afin d’offrir un service flexible et adapté.
J’ai travaillé deux ans à la CHIFFO d’Hérouville, une entreprise solidaire qui recrute des personnes en difficulté d’accès à l’emploi. Pour moi, la difficulté résidait dans le manque d’expérience en couture : mon CAP venait d’être obtenu et les entreprises recherchaient alors des profils plus aguerris. La CHIFFO m’a permis de mettre en pratique mes compétences et surtout de développer un véritable savoir-faire en retouche, transformation et modification de vêtements, des compétences que le CAP ne couvre pas entièrement.
Ce poste m’a également sensibilisée à la logique de réemploi et de circuit solidaire, en travaillant sur des vêtements collectés ou issus d’invendus de grandes marques. Progressivement, cette expérience a nourri l’idée de mon propre projet.
Apprendre à devenir cheffe d'entreprise
Le 2 janvier 2025, j’ai finalement créé mon entreprise, soutenue par l’Adie pour l’immatriculation, un microcrédit et un prêt d’honneur de quartier. Souhaitant être accompagnée, je me suis ensuite tournée vers BGE Normandie afin de consolider mes connaissances en entrepreneuriat et structurer mon activité.
L’accompagnement de BGE Normandie m’a permis de consolider mes bases administratives et comptables. J’ai été guidée sur le choix du statut juridique, la compréhension des notions de chiffre d’affaires, bénéfice, déclarations, ainsi que sur les différences entre entreprise individuelle et sociétés. Ces informations m’ont été utiles, car certains aspects restent complexes et nécessitent parfois plusieurs explications pour être assimilés. J’ai aussi appris à développer ma communication, essentielle pour une activité sans boutique. Les réseaux sociaux, auparavant un point faible pour moi, sont devenus un véritable outil professionnel. BGE Normandie m’a également aidée à structurer ma comptabilité, notamment grâce à un logiciel adapté et à un suivi régulier.
L’accompagnement se poursuit : en cas de doute, comme pour remplir mes premières obligations fiscales, je peux solliciter un appui. Les interventions proposées — cybersécurité, évolution de statut, anticipation d’embauches — m’apportent une vision plus large de la gestion et du développement d’une entreprise.
Engagement, positionnement et communication
Mon chiffre d’affaires progresse régulièrement et je veille à optimiser mes déplacements pour préserver la rentabilité. Ma visibilité en ligne est bonne, avec plus de soixante avis 5 étoiles. Je réfléchis désormais à créer un site permettant la prise de rendez-vous afin de mieux organiser mon activité. J’ai aussi choisi un nom d’entreprise évolutif, car j’envisage à terme d’embaucher et d’étendre mon service sur d’autres zones.
Mon positionnement repose sur une véritable innovation : je suis la seule couturière locale à proposer la collecte et la livraison de vêtements au domicile ou sur le lieu de travail des clients. Ce service répond notamment aux besoins des personnes âgées ou des familles manquant de temps.
Mon engagement écologique fait également partie de ma démarche. Je privilégie la réparation pour éviter le gaspillage textile, avec des tarifs accessibles. Le dispositif Re-Fashion renforce cette approche en permettant aux clients de bénéficier d’une réduction immédiate, sans que cela ne fragilise mon modèle économique.
Au départ, je pensais que l’absence de logo n’était pas un problème, jusqu’à ce que je réalise que mon visuel provisoire était utilisé ailleurs. J’ai compris l’importance de l’identité graphique et j’ai voulu créer quelque chose d’unique. Grâce à une graphiste de ma promo chez BGE, j’ai pu finaliser un logo professionnel. J’avais déjà préparé 90 % du travail moi-même, ce qui lui a permis d’adapter gratuitement le visuel pour les réseaux sociaux et les cartes de visite, dans un véritable échange de services.
Reconnaisance et pistes de développement
Ces rencontres ont été très enrichissantes. C’est également BGE qui m’a encouragée à participer au concours Talents des Cités. Je ne pensais pas avoir ma place, travaillant depuis mon salon transformé en atelier, mais j’ai finalement remporté le premier prix régional et été sélectionnée pour le national. Cette expérience a renforcé ma confiance et m’a montré le chemin parcouru depuis la création de mon entreprise.
L’année prochaine, je veux mieux m’organiser et mettre en place plusieurs actions clés. Je vais notamment développer mes interventions en maisons de retraite, un domaine qui représente un vrai potentiel. J’ai aussi commencé à créer des partenariats avec des boutiques, comme une nouvelle enseigne de location de robes de mariée à Blainville-sur-Orne pour laquelle je réalise des retouches éphémères. Grâce à elle, j’ai été recommandée à une boutique voisine travaillant avec des personnes âgées, ce qui m’a apporté de nouveaux clients. Je souhaite également collaborer avec des entreprises afin de permettre à leurs salariés d’accéder plus facilement à mes services, directement sur leur lieu de travail. »
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