Talent BGE 2025 pour la région Île-de-France
Atelier de design d’espaces éco-rénovés
Anne-Sophie nous raconte son parcours : « J’ai une formation d’école de commerce, mais en sortant, je ne savais pas trop quoi faire. Naturellement, je me suis tournée vers le conseil. J’ai commencé chez Accenture, un gros cabinet, puis j’ai rejoint un cabinet plus petit, spécialisé en stratégie marketing. Ce que j’aimais là-bas, c’était cette attention portée au client : comprendre qui il est, quels sont ses usages, ses besoins, et comment y répondre. J’ai travaillé dans ce secteur pendant dix ans, pour des clients très variés – Somfy, LVMH, Lulu dans ma rue… J’adorais cette diversité d’univers.
Mais au bout d’un moment, j’ai commencé à me lasser du métier de consultante. On est souvent le fusible, le gilet pare-balles, et ça use. J’ai donc fait une pause pro. J’ai été accompagnée par l’Apec, j’ai fait un bilan de compétences, et un fil rouge est vite apparu : ce qui me plaît, c’est accompagner les gens, comprendre leurs usages. J’ai aussi une passion pour la botanique et le jardin, je passe mon temps libre à dessiner des plans pour le plaisir. Au départ, je me suis intéressée au paysagisme, en tant que travail de conception, mais à Paris, c’est souvent réduit à des balcons ou petits jardins. Et puis, travailler avec le vivant m’a confrontée à des difficultés : la fragilité des plantes, la responsabilité de leur survie, le changement climatique… C’était délicat à gérer. Je me suis dit que ce serait peut-être un hobby ou une activité opportuniste, mais pas une voie principale.
Je me suis donc tournée vers l’urbain, vers le BTP, sans vivant. J’ai trouvé la formation en design d’espace du Greta CDMA à l’école Boulle. C’était super. J’ai adoré retourner à l’école, surtout dans cet univers créatif et exigeant. La formation était intense, mais passionnante. J’ai fait deux stages : un chez un architecte spécialisé en bioclimatique, donc dans la réhabilitation plus que dans le neuf, et un autre dans une agence d’architecture intérieure et de scénographie qui travaille beaucoup le réemploi et la réduction de l’impact environnemental. C’était vraiment formateur.
En octobre 2024, je me suis lancée à mon compte. Je n’ai pas cherché à rejoindre une agence – c’est un milieu ou on peut rencontrer beaucoup de tensions, qui me rappelait un peu trop ma vie d’avant, et j’avais de toute façon envie de tenter l’aventure entrepreneuriale. Aujourd’hui, je travaille seule, principalement de chez moi. Mes premiers projets sont venus naturellement de mon réseau proche, des rénovations de maisons ou d’appartements. Ma cible idéale, ce sont des personnes qui approchent de la retraite et qui veulent rénover leur lieu de vie avant. C’est une cible que j’aimerais développer, mais qui n’est pas très présente sur Instagram, alors il faut que je travaille ma communication pour pouvoir les toucher.
Je connais les plateformes de mise en relation, mais elles sont souvent payantes pour un taux de transformation très faible. Pour l’instant, mes projets viennent surtout du bouche-à-oreille. Je sais qu’à un moment, il faudra sortir de ce premier cercle, donc je commence à structurer ma communication maintenant, pendant que j’ai encore du temps.
J’aimerais aussi m’attaquer au tertiaire : les bureaux, les entreprises. J’ai passé dix ans dans ces environnements, je connais leurs usages et besoins. C’est un univers que j’aimerais beaucoup adresser, mais seule, c’est difficile. Je suis encore “petite” sur le plan architectural, alors il faut que je réfléchisse à des partenariats, à comment convaincre que j’ai une vraie valeur à apporter sur ces sujets. Ma reconversion a pour but de donner du sens à ce que je fais. Je veux avoir un impact positif, changer les pratiques, même à petite échelle. C’est pour ça que je pousse autant le réemploi dans mes projets, que je valorise l’existant, que je préfère réparer plutôt que démolir.
Mes clients actuels me connaissent, ils savent que je vais être la “relou” du réemploi, et c’est aussi pour ça qu’ils me choisissent. Par exemple, dans un projet à Paris, l’appartement datait de 1978, la cuisine aussi. Elle avait été faite par un artisan, de très bonne qualité, même si le style ne plaisait plus. J’ai contacté la plateforme Seconde Œuvre, qui fait de la dépose soigneuse pour revendre ensuite. Ils viennent gratuitement chercher les éléments sur le chantier : ça évite aux clients de payer un lot de démolition, et les meubles peuvent être ré-utilisés. C’est un exemple parfait d’économie circulaire qui ne coûte rien aux clients et qui fait vraiment sens.
Autre exemple : les sanitaires. Aujourd’hui, on peut déposer un WC ou un lavabo, les reconditionner, et les remettre comme neufs, sans bactéries. C’est rassurant, économique, et ça marche super bien avec mes clients. J’arrive à en placer dans quasiment tous mes projets. Je pousse aussi beaucoup l’usage de matériaux biosourcés. À la place de plaques de plâtre BA13, j’essaie d’intégrer du Fermacell, qui est du vrai plâtre, recyclable à l’infini. Le BA13, lui, une fois cassé, c’est fini, direction incinérateur. Je pense aussi à l’usage futur : comment faire en sorte que les matériaux soient démontables, réemployables, pensés pour durer ou être transmis. En isolation, j’oriente vers des isolants biosourcés comme la fibre de bois ou la ouate de cellulose, qui ont d’excellentes performances thermiques, contrairement à la laine de verre, qui vient de la roche, est toxique, et nocive pour ceux qui la posent.
Enfin, sur la peinture aussi, j’essaie d’éduquer à des choix plus sains. Les peintures classiques dégagent des COV (composés organiques volatils) qui polluent l’air intérieur. Les peintures biosourcées, elles, permettent de repeindre une chambre de bébé sans souci. Il y a donc une vraie dimension santé et bien-être dans mes choix de matériaux. Voilà, tout ça, c’est ce que j’essaie de défendre et d’incarner dans mon travail : une approche plus durable, plus respectueuse, qui pense l’espace pour aujourd’hui et pour demain.
Je suis entrée dans le parcours Générateur Impact de BGE PaRIF après une réunion d’information. Cet accompagnement m’a permis de ne pas être seule, de travailler en promo, avec des ateliers, un conseiller-formateur capable de répondre à mes questions, et surtout un cadre avec des échéances, comme un pitch final. Ça m’a aidée à faire des choses que je savais faire mais que je ne m’appliquais pas à moi-même, comme le plan financier ou la définition de mes cibles. Le collectif m’a beaucoup portée.
Le choix du statut juridique a été extrêmement difficile. Venant du salariat, j’ai trouvé ça très complexe : fiscalité, compta, stratégie… Et surtout, il n’y a pas de statut idéal, chaque situation est différente. J’ai suivi plein de formations et webinaires, mais j’avais toujours des doutes. Même après avoir créé ma boîte, une sensibilisation m’a fait douter à nouveau. Ce n’est pas facile de passer de salariée à entrepreneure : on passe d’un univers simple, avec tout qui est pris en charge, à un univers où chaque décision est à prendre soi-même. J’ai un gros syndrome de la bonne élève, donc je veux toujours faire le bon choix, ce qui est source de stress. Parfois il faut lâcher prise et accepter qu’il n’y ait pas de situation idéale.
Avec BGE, j’ai pu poser un vrai plan de financement, un compte de résultats, faire des projections. J’avais déjà fait un business plan avant, mais là j’ai vraiment pris le temps de réfléchir à la rentabilité : combien je dois toucher chaque mois, quelles sont mes charges, etc. J’ai aussi interviewé une vingtaine d’architectes pour comprendre leurs réalités, ce qui m’a donné une bonne base tarifaire. J’ai pu faire le lien entre ce que je peux facturer et combien de missions je dois avoir pour atteindre mes objectifs. Je suis plutôt en avance sur mon business plan en termes d’opportunités, mais il me faut parfois encore beaucoup de temps sur certaines tâches car j’apprends mon métier. Cela dit, je vois déjà des gains de productivité au fil des projets.
L’insécurité financière reste un stress. J’aimerais bien trouver un revenu régulier, comme beaucoup d’entrepreneurs qui ont une activité annexe (formation, conseil…). Ce serait un matelas de sécurité pour ne pas tout recommencer à zéro chaque mois. Et en tant que maman, je vois aussi la complexité de la maternité en tant qu’entrepreneure, contrairement au salariat où tout est plus simple. Je réfléchis à des partenariats avec des structures comme Morning ou WeWork qui travaillent parfois avec des architectes d’intérieur, j’aimerais creuser cette piste.
Ce qui me plaît le plus dans mon quotidien, c’est cette ouverture permanente. Chaque jour est différent, je rencontre plein de gens, et je me sens libre de dire oui à des opportunités. C’est quelque chose que je n’avais pas du tout dans le salariat. Je me laisse guider par mes intuitions et j’adore ça.
Et pourquoi ASD ? Mon activité principale est l’architecture A pour l’Atelier Depommier, mais je suis aussi photographe professionnelle S pour Studio et Depommier qui est mon activité secondaire de photographie professionnelle, et D pour Depommier comme je suis la fondatrice. Je parle moins de la photo pour ne pas brouiller les messages, mais c’est une vraie passion depuis l’enfance. C’est un univers très lié à l’architecture, avec des notions communes comme la lumière, la perspective, la vision. C’est une activité connexe que j’ai pour projet de développer dans un second temps. »