Segmenter pour mieux accompagner

Publiée le 30/04/2025

Entretien avec Valérie Capdepon, directrice Offre de services et Innovation chez BGE Réseau

Le réseau BGE travaille depuis longtemps à analyser ses publics pour identifier différents profils d’entrepreneur·e·s. Ce, avec deux objectifs principaux : présenter et illustrer la réalité entrepreneuriale dans sa complexité, loin des stéréotypes, mais surtout pour proposer des parcours toujours plus personnalisés et adaptés aux besoins de chaque personne.

Pourquoi et comment avez-vous travaillé sur le profilage des entrepreneur·e·s ?

Même si nous savons que chaque personne envisageant la création d’entreprise est particulière dans son profil et ses ambitions et que chaque parcours entrepreneurial est spécifique dans sa trajectoire, BGE a investi ces dernières années dans l’analyse du profil des personnes qui envisagent de créer leur entreprise pour :

  • Passer d’une vision « stéréotype » à une vision intégrant des facteurs déterminants avérés ;
  • Identifier les déterminants du passage à l’acte (créer ou renoncer) et de la réussite ;
  • Affecter au mieux les ressources utiles au parcours (durée, contenu…) selon les profils.

En somme, nous cherchions à industrialiser le sur mesure en utilisant une approche de profilage.

Entre autres enseignements, l’étude réalisée avec l’ObSoCo[1] en 2023 sur les entrepreneur·e·s a conduit à la mise en avant parmi les 5265 répondants (qui avaient suivi un accompagnement à BGE) de 7 familles d’entrepreneur·e·s (3 parmi les non créateurs, 4 parmi les créateurs).

Cette segmentation permet d’identifier des enjeux distincts et donc de cibler les préconisations et solutions adaptées.

[1] L’ObSoCo est une société d’études et de conseil en stratégie.

Comment parvenez-vous à réaliser ce profilage dans le public que vous recevez ?

En identifiant ces 7 familles d’entrepreneur·e·s, l’ObSoCo a caractérisé les critères de cette segmentation. C’est là que réside la puissance de ce travail et son caractère inédit.

Qu’est-ce qui distingue un entrepreneur·e qui va créer d’un autre qui va renoncer ? Sur quels facteurs se jouent les chances de réussite d’un projet entrepreneurial ? Pourquoi certaines personnes vont-elles se révéler dans la création d’entreprise et d’autres regretter ce choix ?

Le registre des motivations qui poussent à entreprendre par exemple est un critère segmentant ; une personne motivée par la volonté d’être indépendante passe plus à l’acte que celle motivée par une volonté d’utilité sociale. L’envie d’indépendance est un moteur très fort à l’action.

Sont également des critères segmentants, l’évaluation que fait l’entrepreneur·e de ses chances de réussite et son profil de caractère (gestion du stress, leadership, gestion de la complexité, de la prise de décision…).

Une fois ces déterminants identifiés, nous avons travaillé au développement d’un algorithme nous permettant de déterminer la probable famille d’appartenance d’un entrepreneur·e sur la base des réponses qu’il apporte à un questionnement établi.

Concrètement, comment adaptez-vous l’accompagnement que vous proposez selon le profil identifié ?

Tout d’abord, il est important de préciser que ces données sont à manier avec beaucoup de précautions et que c’est grâce à leur expertise que les conseillers formateurs BGE sécurisent les pratiques décrites.

Prenons l’exemple, parmi les entrepreneur·e·s qui ne sont pas encore passés à l’acte, du profil des ni oui ni non. Il est caractérisé par une certaine incertitude sur ses chances de réussite, il est assez confiant sur le fait de passer à l’acte mais préfère attendre le bon moment. Il est plutôt ambitieux et croit que l’on forge sa propre réussite. Par contre, il réagit mal au stress et peut craindre le conflit et la prise de décisions.

Pour ce profil, l’accompagnement va se concentrer sur les conditions de faisabilité et/ou la cohérence personne-projet, qui ne sont souvent pas réunies, et sur les sources de motivation qui sont remises en question.  II va être nécessaire de les aider à en tirer des enseignements pour les pousser à agir ; le plus souvent pour renoncer au projet.

Autre exemple, parmi les entrepreneur·e·s en activité, les optimistes. Ce sont des créateurs qui connaissent un début difficile mais restent confiants dans leur projet. C’est le segment avec le chiffre d’affaires moyen le plus bas. Ils croient que l’on forge sa propre réussite, ils sont ambitieux et relativement déterminés. Mais ils supportent mal la pression et préfèrent plus que la moyenne avancer seuls plutôt que prendre le temps de fédérer.

L’activité est insuffisamment rémunératrice mais l’entrepreneur·e s’accroche à sa volonté de réussir. L’optimisme ne suffira pas, il faudra centrer les moyens d’accompagnement sur la recherche des conditions pour trouver la viabilité économique.

Avec l’étude Qui sont les entrepreneur·e·s d’aujourd’hui ?, BGE et Crédit Mutuel Alliance Fédérale ont cherché à présenter et illustrer la réalité entrepreneuriale et ses mutations et à définir des familles d’entrepreneur·e·s, afin de sortir d’une vision stéréotypée de l’entrepreneuriat et de présenter une vision plus complexe, intégrant aux données socio-économiques des registres de variables autour des motivations, capacités et trajectoires.

Découvrir les résultats de l'étude